Bilan d'ensemble de Manu

La distance et le temps sont vaincus. La science
Trace autour de la terre un chemin triste et droit.
Le Monde est rétréci par notre expérience
Et l'équateur n'est plus qu'un anneau trop étroit.
Plus de hasard. Chacun glissera sur sa ligne,
Immobile au seul rang que le départ assigne,
Plongé dans un calcul silencieux et froid.

Alfred de Vigny

Avant de procéder à une évaluation détaillée "pays par pays", je vais tenter d'énumérer plus généralement un certain nombre de constats consécutifs à ce tour du monde et valables pour l'ensemble des destinations parcourues. Certes ces constats sont sans doute également éclairés à la marge par mes voyages précédents, et plus généralement par ma vision critique du monde et se ses acteurs, mais disons qu'ils ont tout de même été principalement confirmés ou actualisés à la lumière de cette année au long cours. Leur lecture doit également se comprendre comme un complément/antidote aux commentaires exagérément positifs souvent lus sur les blogs de voyage, où l'effet de mise en scène, comme sur Facebook, pousse trop souvent les auteurs à enjoliver leurs expériences. Sans prétendre être tout à fait capable d'échapper à la tendance consistant, volontairement ou non, à construire un personnage en partie artificiel (dans mon cas, un personnage exclusivement animé par le ressentiment et l'esprit de contradiction), je vais pour ma part tenter de rester lucide et de produire des remarques plus factuelles et objectivables que de simples jugements de valeur.

Ces conclusions, qui paraîtront sévères à la plupart des lecteurs, recoupent étrangement celles d'un socio-anthropologue nommé Rodolphe Christin, dont j'ignorais l'existence avant qu'un collègue anonyme ne glisse l'un de ses opuscules dans mon casier professionnel à l'école où je travaille, plusieurs mois après mon retour. Pour ne pas parasiter mes propres réflexions avec un texte dont je partage toutefois pratiquement toutes les idées, je mets à disposition ici quelques uns des meilleurs passages de ce livre. Au moins, grâce à cet auteur, je me sens moins seul, et j'ai le sentiment que mon bilan, pour désabusé qu'il puisse en partie paraître, est sans doute partagé, quoique rarement si clairement exprimé, par certains compagnons voyageurs.

1 - Le monde est unifié, homogène, englobant, aucun endroit n'a plus d'extérieur. Je veux dire par là que la plus grande partie des espaces naturels est désormais artificialisée, cartographiée, enregistrée, cadastrée et colonisée par les hommes, réduisant les territoires authentiquement naturels à quelques pièces de montagne, de zones climatiques extrêmes et d'îles isolées, simplement pour l'instant laissées de côté par manque d'intérêt industriel et économique et non par simple impossibilité matérielle. Notre voyage nous a pourtant amenés à chercher assez loin la possibilité d'un espace sauvage. Mais partout nous avons trouvé des barrières de protection, des panneaux indicateurs, des poubelles en bois éco-recyclables, des guichets d'entrée payants, des lumières allumées au milieu de la nuit. Peut-être aurait-il fallu chercher encore plus loin? Ou peut-être faut-il simplement conclure que le temps des explorateurs est définitivement terminé, et que ce constat de globalisation vaut plus encore sur le plan civilisationnel que sur le plan géographique: les quelques populations qui vivent encore un tant soit peu en marge de l'empire unique du Marché (nous pouvons citer les Papous) et des signes culturels associés (storytelling progressiste sous pilotage occidental) semblent en éprouver des complexes ou des regrets plus qu'une volonté assumée de rester plus longtemps à l'écart de ce mouvement d'englobement. Pour le dire autrement, il est sans doute nettement moins dépaysant de voyager aujourd'hui en Papouasie que de voyager en Thaïlande il y a seulement 30 ans.

2 - Le monde est en voie rapide d'urbanisation. Partout les villes, y compris dans des régions autrefois agricoles, repoussent leurs limites; les pistes se transforment en routes, les immeubles se contruisent, des fers à béton gisent sur le sol à proximité de sacs de ciment, des tranchées attendent de recevoir des tuyaux d'adduction d'eau ou des fibres optiques. Jusque dans les endroits les plus reculés qui ne s'y prêtent guère, comme les archipels indonésiens, les gens empilent les parpaings de nouveau murs de maisons, de garages, de halls commerciaux. Nous avons plus d'une fois dormi dans des hôtels avoisinant des terrains vagues en chantier. La démographie et les moyens financiers disponibles aidant, rien ne semble arrêter cette frénésie de construction généralisée étendue à l'ensemble de la planète. Renaud Camus a tort de se lamenter du seul bétonnage de la France ou de l'Europe: c'est désormais surtout le reste de la surface du monde qui est concerné par le phénomène. Et les populations désoeuvrées des campagnes viennent habiter les périphéries de ces agglomérations nouvelles, où il n'y a pourtant souvent pas davantage d'activité porteuse de sens possible, mais où l'on se sent sans doute plus proche d'un hypothétique Centre (mais centre de quoi, hormis centre d'attraction tautologique, nul ne pourrait le dire). En fait, le monde n'est pas seulement en voie d'urbanisation, il semble plutôt osciller plutôt entre une "bidonvillisation" spontanée et une "banlieuisation" définitive.

3 - Le monde est pollué. Malgré des efforts de plus en plus réels d'entretien, de ramassage et d'incinération, la pollution liée à la société de consommation et à la surabondance du plastique est toujours plus visible. Et encore ne s'agit-il là que de la partie émergée de l'iceberg. Au regard de cette évidente invasion macroscopique des déchets et des emballages laissés à l'abandon, flottant sur les eaux ou accrochés aux buissons au bord de la route, que penser de la probable diffusion dans l'environnement de métaux lourds, d'antibiotiques ou de résidus bio-chimiques invisibles à l'oeil nu? Au-dessus de nombreuses villes (Katmandou ou La Paz par exemple) flotte un panache de poussière et de particules d'une couleur jaune-gris. Et ce n'est sans doute malheureusement que le début.

4 - Le monde est à vendre. Sans jamais se présenter comme une proposition idéologique identifiable et revendiquée au sens politique du terme, le matérialisme marchand a imposé partout où nous sommes passés ses normes et ses mécanismes, par la persuasion et la séduction plus que par la force brute d'ailleurs (n'oublions pas que le marxisme était aussi et avant tout un matérialisme, et c'est peut-être ce qui a empêché les Russes et les Chinois de s'opposer, après la chute du communisme, à l'avènement d'une mondialisation d'inspiration essentiellement libérale; il est vrai aussi que nous ne sommes pas passés en terre d'islam, où notre perception aurait sans doute été différente). Tout semble désormais avoir un prix, un prix d'ailleurs très bien ajusté par les mécanismes de l'offre et de la demande, et personne ne semble aujourd'hui contester ou même s'étonner de cette surdétermination par l'économie de toute forme de valeur. Partout le règne de la quantité s'impose à celui de la qualité. La promesse d'un bonheur accessible se résume désormais principalement à la forme mercantile des joies (souvent technologiques) monnayables sur une échelle d'une grande amplitude qui permet à chacun selon ses moyens, partout et à tout moment, de définir et de tenter se satisfaire une série indéfinie de plaisirs éphémères. Un jeune enfant népalais regarde la télévision dans un taudis où l'électricité n'arrivait pas cinq ans auparavant, un sexagénaire allemand offre un "lady drink" à une entraîneuse Thaï défraîchie, un adolescent Papou consulte le solde de son abonnement téléphonique: la forme change mais le mécanisme est le même; l'idéologie sous-jacente aussi, même si elle émerge rarement au grand jour. J'ai lu de l'intérieur d'un bus ou d'un taxi, peinte sur un mur, à la sortie haute de la ville de la Paz (le long de cette grande route qui part vers le lac Titicaca), noyée au milieu de nombreux graffitis le plus souvent relatifs à Evo Morales, et entourée de boutiques, de stands de nourriture bon marché et de tas de débris, cette étonnante inscription que je n'ai pas eu le temps de photographier: "Si a la economia": "Oui à l'économie"; quel magnifique résumé, quel sens de la synthèse, quel programme politique: c'est synthétique et beau comme du Macron ! Quelle motivation a donc pu pousser l'auteur du tag à un tel élan du coeur, à ce prodigieux sens de la formule? C'est LA photographie que j'ai ratée, celle que j'ai le plus regretté de ne pas avoir eu le temps de prendre durant tout ce voyage.

5 - Le monde du voyage est davantage dépolitisé (en apparence) que désidéologisé (en profondeur). Le conformisme bienpensant naïf et inconséquent affecte la quasi-totalité des occidentaux en vacances à l'étranger. Les voyageurs plus âgés d'un côté, et les populations du sud asiatique de l'autre, semblent être moins sensibles à ses intoxications mémétiques véhiculées par les peoples et les vidéos virales faussement cool. Mais l'idéologie dominante des jeunes backpackers européens, canadiens et australiens (à un moindre degré sans doute, mais nous n'en avons pas rencontrés assez pour nous faire une idée précise de la question) est bien, à peu de choses près, celle de l'Empire du Bien pourtant dénoncée avec suffisamment de talent par de nombreux auteurs depuis près de vingt ans déjà, Philippe Muray en tête. Les experts du conditionnement social au service de la société ouverte ont décidément produit un travail remarquable au bénéfice du système... Est-ce lié? On remarque aussi que les Français sont devenus de grands voyageurs, surtout les jeunes plutôt de bonne famille d'ailleurs (quoique le niveau d'études ne semble pas impacter tant que cela la propension à voyager), pas ceux porteurs de la sous-culture des cités (quoiqu'on en croise tout de même parfois, dont le comportement porte rapidement préjudice à l'image de notre pays déjà assimilé, impact du football oblige, à un pays largement africanisé). Les Américains sont en revanche presque totalement absents des circuits de voyage en Asie. L'Allemagne donne pour sa part le sentiment d'être un pays condamné: parmi les germanophones, les retraités jouisseurs, assumant leurs privilèges économiques, sont bien plus nombreux que les jeunes créateurs de valeur (seul signe d'espoir: ces derniers sont souvent très sympathiques et techniquement compétents, perpétuant tout en l'actualisant la figure de l'"Ingenieur" sérieux et honnête), et semblent politiquement complètement dépassés: on ne voit absolument pas là les conditions d'émergence possible d'une révolte anti-système. Tout au plus celui d'une fuite impensée et perpétuelle vers un modèle que plus personne ne contrôle.

De passage à Greenbushes au sud de Perth, nous sommes tombés par hasard sur une citation de mère Teresa inscrite sur un banc: "Plus on juge les gens, moins on a de temps pour les aimer"; voilà bien qui pourrait constituer le slogan, aussi stupide qu'inattaquable, du voyageur lambda. Il ne s'agit certes que d'un des avatars récents d'anciennes citations que je connaissais déjà à l'adolescence grâce à l'excellent dictionnaire des citations de mes années de lycée: "Plus on juge moins on aime" (Balzac) ou "Le plaisir de la critique nous ôte celui d’être vivement touchés de très belles choses" (La Bruyère). Cette citation complaisante est cependant largement fausse, au moins dans mon cas: par exemple, j'aime Houellebecq alors que je passe aussi mon temps à le juger. D'une manière plus générale, on pourrait défendre avec Marcel Gauchet l'idée que la critique est le propre des civilisations Européenne et Française dont je me sens redevable, envisagées dans le temps historique long, et aujourd'hui en voie de disparition sous les coups de butoir du gauchisme culturel et de l'idéologie libérale-libertaire. L'esprit critique amplifie certes le désenchantement du monde, mais il porte aussi en lui l'édification de la modernité dans ce qu'elle a pu avoir de bon pour l'humanité: émergence d'une classe moyenne éduquée, élévation générale du niveau de vie, variété des productions culturelles, artistiques, scientifiques et technologiques. En voyage, tout ceci semble oublié et le ton de l'émotion obligatoire est au fond donné par les mêmes qui se sentent tenus de s'extasier devant les colonnes de Buren ou le Plug anal de la place Vendôme: riches ou pauvres, les idiots utiles d'un monde faux de courtisans, de flatteurs et de conformistes, qui visent à substituer au logos une dévotion sentimentale et une tolérance indifférenciée qui finissent par faire tendre cette frange de l'humanité, sans qu'elle le réalise et encore moins le comprenne, vers l'atomisation sociale et le nihilisme. On en trouve un discret élément de preuve dans les forums de discussion comme voyageforum: dès qu'un intervenant explique avoir une opinion mitigée ou négative d'une destination quelconque (je me souviens d'exemples relatifs à Bohol, ou au Cameroun), il fait l'objet d'une sorte d'inquisition qui le contredit brutalement, le conteste ou le moque. L'inverse ne se produit presque jamais, signe évident d'une domination insidieuse du "bien" sur le "mal", du "et" sur le "ou", du sentiment sur l'argument, bref du positif sur le négatif, au mépris de tout équilibre. Le voyage pourrait pourtant être l'occasion d'observer, d'apprendre et de juger : non pas seulement de se bercer de "rencontres" souvent illusoires, de spectacles touristiques de plus en plus contraints, et de "moments magiques" à la mords-moi-le-noeud. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il était envisagé autrefois, à l'ère humaniste classique (dont les exemples peuvent être donnés par Zadig ou Candide, mais aussi Malinowski ou Lévi-Strauss) du "les voyages forment la jeunesse" ou du "Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage [...] et puis est retourné plein d'usage et raison [...]". Où la prévalence des émotions obligatoires figure-t-elle dans un tel tableau?

6 - L'humanité se comporte dans l'ensemble d'une manière assez stupide, et la jeunesse est de plus en plus amorphe. Ce constat sévère (et forcément exagéré au regard de notre expérience somme toute limitée) ne s'applique cependant pas à ce que la plupart des individus pourraient faire, mais à ce qu'ils font effectivement (ouf! on ne pourra donc pas m'exclure tout à fait de la grande famille des humanistes, ou au moins de celle des humanistes conditionnels). Certes, les pauvres bougres (ou plus souvent bougresses) qui continuent d'exécuter des travaux manuels particulièrement pénibles, et souvent d'ailleurs désormais économiquement aberrants (porteurs sherpas, paysannes ladakhies, vendeuses de rue boliviennes) inspirent naturellement d'abord la compassion ou la pitié. Mais au-delà de ce premier constat affectif, on observe que partout où passe le rouleau compresseur de la société ouverte, en particulier sur la jeunesse, l'impact de Facebook et de Youtube dépasse largement celui de Wikipédia. Les regards du moindre boutiquier de village sont attirés vers les clips de Justin Bieber ou du Vidéo Gag local tournant en boucle sur son téléphone portable, les marques de déférence typiquement asiatiques s'effacent devant l'indifférence généralisée produite par la succession des séries télévisées américaines. Partout le surmoi s'efface, partout les hommes, et singulièrement les adolescents, se laissent aller à la paresse et à la facilité; ils renoncent avec d'autant plus de facilité à leur volonté de puissance Nietzschéenne qu'ils ne semblent même plus pouvoir accéder à leur conatus (volonté de persister dans leur être) spinoziste. Sans aller jusqu'au constat sévère de Gilles Châtelet ("vivre et penser comme des porcs"), on peut postuler, comme le pressentait déjà Houellebecq il y a quelques années, qu'ils se comportent en tout point comme s'ils étaient en train d'abandonner la partie; et ils n'abandonnent pas celle-ci suite à un combat, pourtant vital, pour défendre leur existence: non, ils jettent l'éponge avant même que celui-ci ait commencé, et parfois même inconsciemment, comme par passivité ou ennui. Tout porte d'ailleurs à croire que dès que les plus pauvres, jusqu'alors protégés de leur propre veulerie par leur misère même, auront accès aux délices empoisonnés du techno-libéralisme, ils succomberont à leur tour. L'idéalisation du peuple et de ses traditions n'est qu'une illusion idéologique commode, d'un angélisme finalement proche, dans sa naïveté, de la soumission aux niaiseries bienpensantes de l'époque. Le salut ne pourra sûrement venir, si cela est possible avant un effondrement majeur du système qui rebattra autrement les cartes (hypothèse dont on peut d'ailleurs douter), que d'une proposition politique et philosophique à la fois plus modeste dans ses objectifs et beaucoup plus exigeante, hiérarchique, aristocratique peut-être, dans ses moyens. Mais une telle proposition ne peut sans doute naître que localement, puis s'étendre par mimétisme, tant il paraît peu vraisemblable que le système tel qu'il existe puisse, compte tenu de son omniprésente puissance, ou bien s'auto-réformer, ou bien se trouver menacé par une contre-idéologie de même ampleur ou de même force. Dans tous les cas, nulle part nous n'avons observé l'existence d'un système socio-économique qui relie efficacement le mérite et le niveau de vie; nulle part nous n'avons trouvé trace d'une méthode pertinente qui permette le partage équitable des tâches répétitives et ennuyeuses (dont l'incitation à l'exécution constitue selon Houellebecq, et je suis bien d'accord avec lui sur ce point, la question économique la plus fondamentale).

7 - Seule bonne nouvelle concernant l'état de l'humanité, mais elle est de taille: au niveau micro-économique, le principe du doux commerce semble parfaitement fonctionner. Essentiellement de plus en plus indifférents à leurs clients au fur et à mesure que leur activité progresse, presque tous les acteurs de base du monde économique ouvert semblent rétifs au conflit (j'exclus naturellement de mon raisonnement les très grandes entreprises nationales et multinationales dont j'admets cependant le possible rôle surdéterminant), et dépourvus de tout jugement de valeur moral. Leur seule motivation semble tenir au développement de leurs affaires et non au rayonnement de leurs valeurs. La neutralité axiologique est devenue la norme internationale implicite des rapports humains. Nous n'avons été, de près ou de loin, confrontés à aucun discours prosélyte, même lorsque nous nous sommes trouvés confrontés aux fidèles de la quasi-secte Tibérias en Indonésie ou à des militants des Témoins de Jéhovah en Papouasie. Loin de constituer une menace sérieuse, toute forme d'extrémisme politique ou idéologique semble désormais ne plus pouvoir exister que dans des périphéries de plus en plus lointaines, et ne plus pouvoir faire l'objet que de manipulations de plus en plus incompréhensibles et caricaturales. Le Cher Djihadistes de Philippe Muray, qui tourne en dérision et feint même de s'apitoyer devant l'impuissance des islamistes face à la modernité, semble plus que jamais d'actualité. Admettons toutefois que ce constat plutôt positif doit malheureusement être nuancé par le fait que notre parcours a précisément évité les zones africaines et moyen-orientales qui auraient justement pu nous amener à modérer, voire inverser notre analyse sur ce point, l'islam constituant tout de même, quoique essentiellement pour les mauvaises raisons de son dogmatisme borné, l'un des seuls facteurs de résistance possibles à l'extention de l'empire de la marchandise, et donc l'un des seuls points de friction possible avec le monde ouvert sous domination idéologique occidentale, comme nous avons pu l'observer au Cachemire par exemple.

8 - Autre bonne nouvelle, mais totalement inhumaine celle-là: le désenchantement du monde, phénomène exclusivement culturel, ne vide nullement celui-ci de sa beauté naturelle résiduelle. De plus en plus privé d'accès à tout exotisme prenant forme humaine, le voyageur aux motivations essentiellement esthétiques n'est pas pour autant condamné à l'absence d'étrangeté ni de beauté, à condition de chercher celles-ci là où elles se sont toujours trouvées: dans la contemplation du ciel, de la Terre et du monde vivant. Certains paysages de montagne ou de littoral, certains spectacles de vie animale, en particulier sous-marins, n'ont pas changé depuis des millénaires. Indifférents à toute activité humaine, ils restent accessibles à qui peut/veut/sait les voir. Il faut juste (mais il est vrai que cela nécessite un effort de plus en plus difficile en soi) être capable pour cela de faire abstraction de toute interférence anthropique avec les tableaux naturels observés.

9 - Une autre possibilité de voyage, nettement plus paradoxale, existe: elle consiste à renoncer à toute utopie de type routard pour en revenir à des prétentions plus prosaïques, excluant d'emblée tout espoir de rencontre exceptionnelle ou d'exotisme irraisonné. C'est ce que nous avons vécu à Phuket, lorsque nous avons pris du bon temps simplement en profitant du soleil (même partagé), de la plage (même bondée) et de la simple répétition des sorties en soirée dans les restaurants où de la musique live était jouée. Il s'agit d'une proposition matérialiste et jouisseuse en apparence contraire à nos valeurs personnelles profondes, mais qui présente l'avantage d'une forme de cohérence, et dont les conditions de possibilité et même de généralisation progressive sont aujourd'hui effectivement réunies au contraire de celles, illusoires, véhiculées par les clichés habituels des voyageurs souhaitant échapper au tourisme de masse. On peut envisager cette option modeste de voyage comme celle d'une audacieuse et subtile synthèse entre les voies suggérées par Nietzsche (pour la désaliénation de toute métaphysique ou de tout conditionnement social encombrants) et par Kant (pour le côté principe de généralisation sous condition économique minimale).

Voilà pour l'essentiel. Certes toutes ces observations, principalement teintées de misanthropie, que l'on pourrait qualifier dans l'ensemble d'"humano-sceptiques", sont parfaitement compatibles avec les phénomènes observables en France. Les lecteurs de Claude Lévi-Strauss, de Michel Houellebecq, de Renaud Camus, de Philippe Muray, ou même seulement d'Eric Zemmour ou de Michel Onfray, les connaissent déjà parfaitement, et on peut dès lors se demander si l'effort d'un tour du monde était bien nécessaire à l'élaboration d'une telle série d'enfonçages de portes ouvertes. Eh bien non, cher lecteur encore attentif à ce point du raisonnement, il ne l'était pas en effet, et j'aurais pu aboutir à la même conclusion tout en restant confortablement et prudemment assis dans mon canapé nantais. Disons alors qu'il s'est surtout agi d'une vérification expérimentale approfondie. Quelque chose comme un contrôle qui me conforte dans l'idée que je ne m'étais pas trompé, et qu'il n'existait nulle part en Australie ou sur l'île de Pâques un indice de nature à remettre en cause mes élucubrations conceptuelles. Me voilà rassuré: je peux donc continuer de penser après ce que je pensais déjà avant. Est-ce là le signe d'une simple obstination, voire d'une incurable fermeture d'esprit, ou bien la preuve du bon fonctionnement de mon appareil critique, cherchant à apparier les observations empiriques à la formation théorique de mon raisonnement? A chacun d'en juger.





Eléments plus personnels

A titre personnel, mais c'est beaucoup plus anecdotique, nous avons aussi appris de ce tour du monde, à propos de nous-même cette fois, que:
- Nous n'aimons pas suffisamment la montagne pour justifier l'effort de treks difficiles en altitude; en fait la montagne française nous suffirait sans doute, pour peu que nous prenions la peine de nous rendre, aux bonnes saisons, à proximité d'abrupts suffisamment raides et de neiges suffisamment blanches. En revanche, notre intérêt pour le snorkeling se maintient à un niveau relativement élevé, notamment grâce à notre attirance pour les formes et les couleurs des créatures de petite taille.
- Nous sommes devenus plus sensibles aux conditions climatiques, au confort, voire à la gastronomie, signe probable de notre vieillissement.
- Nous préférons, c'est un peu une surprise, le monde animal au monde végétal ou même minéral; même si un constat aussi général est évidemment très réducteur, les rencontres avec les poissons, les crevettes, les oiseaux, les lézards, les nudibranches bien sûr, n'ont pas déçu nos attentes. On ne peut pas tout à fait en dire autant des paysages; nous en avions peut-être trop contemplés auparavant, et de si spectaculaires qu'aucun nouveau n'était en mesure de les dépasser; je ne sais pas pourquoi, dans cette hypothèse, la même chose ne s'est pas reproduite avec les animaux. D'une manière générale, le monde végétal est confus, désorganisé, il mélange la vie et la mort, les espèces de tout sorte, dans une sorte de chaos indescriptible; des algues pourrissantes aux branches basses des fougères séchées se mélangeant aux mauvaises herbes du bord des sentiers, des sapins à demi-arrachés par une tempête ancienne aux graminées éparses colonisant le bord des routes, les formes végétales dégradées mettent du temps à disparaître, les espèces invasives prospèrent sans génie, aucune harmonie ne se dégage en général. Quant au monde minéral, souvent impressionnant à distance (les couleurs d'un lac de montagne, la ligne de crête d'une chaîne alpine, les dégradés d'un désert de pierre, les ciels crépusculaires), il se révèle souvent, à proximité, dur et hostile (eau froide, rocaille, poussière) quand il n'est pas pollué (plages, bords de route désertiques). Peut-être en serait-il autrement au niveau microscopique ou au contraire au niveau très macroscopique d'une contemplation céleste ou spatiale; peut-être pourrions-nous développer un intérêt pour les structures cristallines ou galactiques, par exemple, mais bon, ce serait vraiment un peu exagéré. J'ai d'ailleurs remarqué que les animaux les plus plaisants à photographier sont souvent les animaux de taille petite à moyenne (je dirais de un centimètre à un mètre, mais plus précisément trois à trente centimètres, soit un à deux ordres de grandeur), mais tout de même pas les créatures trop petites, qui supposent un changement d'échelle qui les coupe de notre réalité perceptive directe. A titre d'exemple, j'ai préféré nettement photographier un criquet multicolore rencontré par hasard au bord d'une station service dans l'outback australien, plutôt que les requins baleines assaillis de Chinois d'Oslob, aux Philippines; Nous avons aussi préféré découvrir dans la nuit, sur une plage australienne déserte, à notre quatrième ou cinquième tentative, des bébés tortues fraîchement éclos plutôt que de batifoler parmi les dauphins de Kaïkoura à l'arrière d'un hors-bord surmotorisé. Il y a peut-être une raison visuelle à cela: les animaux de petite taille qu'on peut approcher (crabes, lézards, nudibranches, sauterelles, etc) sont souvent très bien "finis" et se donnent à voir à une distance qui maximise la perception du détail, un peu comme des miniatures en peinture, ou des jouets de qualité pour enfants (petites poupées, soldats de plomb). Le biotope importe peu, en fait, et mon attirance de longue date pour le monde sous-marin en général, puis le monde sous-marin de surface éclairé en lumière naturelle, puis encore les petits poissons multicolores, et enfin les crustacés et les nudibranches, n'a en réalité fait que me rapprocher progressivement de cette réalité, à laquelle j'aurais aussi bien pu aboutir en partant d'un intérêt initial pour les insectes, les reptiles, voire les modèles réduits de train électrique ou les animaux en plastique distribués dans les paquets de biscottes Prior (à bien y réfléchir, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait!)
- Nous prenons du plaisir, pour le meilleur et pour le pire, à rester connectés avec nos proches (Isabelle) et avec l'actualité/les sites d'analyse politique (moi) et souhaitons pouvoir rester actifs sur ce plan; nous sommes donc dépendants de la qualité du réseau et de l'ergonomie de nos tablettes/ordinateurs.
- Nous confirmons notre faible sensibilité à la dimension culturelle des pays visités, et en tout cas notre imperméabilité quasi-totale à toute tentative de mise en scène muséographico-touristique de celle-ci. A titre personnel, j'ai facilement résisté à toute tentation d'analyse sociologique des pays traversés; en revanche, j'ai trouvé un grand intérêt à nourrir mes analyses anthropologiques et mes réflexions sur le transhumanisme des différents stades de développement civilisationnels se présentant à nous. J'ai à cette occasion compris, et c'est peut-être le principal enseignement de ce voyage en ce qui me concerne, que j'aimais vraiment lire, réfléchir et écrire, et que je persiste à croire (et c'est sans doute l'une des dernières choses à laquelle je peux croire) que ces activités peuvent avoir un sens.
- Nous n'aimons évidemment pas les activités de type "usines à touristes", mais pour autant nous assumons un point de vue sur nos étapes de plus en plus distancié de ceux, souvent très "premier degré", de la plupart des voyageurs au long cours, notamment des couples jeunes, que nous trouvons au demeurant sympathiques et que nous avons plaisir à fréquenter. Malgré cette distanciation progressive, nous ne regrettons nullement la tonalité principalement pseudo-routarde de notre périple (budget oblige aussi) qui nous ne aura pas empêchés, conformément au cliché en l'occurrence vrai, d'en apprendre autant sur nous-mêmes que sur les autres.
- En conséquence, nous pouvons désormais, sur un mode certes en apparence très houellebecquien, mais également et finalement surtout assez kantien dans ses possibilités de généralisation, trouver satisfaction dans des destinations (mais pas des activités) qu'il est convenu de trouver "beauf" ou para-"beauf" dans les clichés véhiculés, à des degrés divers, par presque tous les voyageurs se revendiquant de près ou de loin des valeurs des "backpackers", ce qui nous rapproche paradoxalement davantage, nous qui pouvons désormais être considérés comme des voyageurs très expérimentés, de ceux qui ne le sont pas du tout (les Russes de la classe moyenne en séjour balnéaire familial) plutôt que de ceux qui le sont modérément (les jeunes routards Français).

Etrange retournement de situation qui nous permet de terminer ce bilan par une pirouette, et laisse entrevoir désormais la possibilité d'aventures d'une tout autre nature...



Conseils aux voyageurs en préparation d'un long voyage

A tous ceux qui seraient en train de préparer un voyage au long cours (disons un voyage d'au moins six mois), et seraient à ce propos en quête de l'avis de prédécesseurs plus expérimentés, je dirai simplement ceci: partez si vous en avez les moyens, mais surtout l'envie. Concernant les moyens, ils sont largement variables en fonction des individus, et je rejoins à ce propos ce que j'ai déjà souvent lu ailleurs: il n'y a pas, dans le plaisir et l'intérêt que les voyageurs semblent retirer de leurs aventures, de corrélation avec la quantité d'argent dépensée. Il suffit d'avoir de quoi ne pas se mettre en situation de dépendre des autres (c'est mon côté stoïcien qui parle), au-delà, c'est du bonus. On peut partir avec très peu d'argent si on est prêt à travailler en chemin, notamment en Australie ou en Nouvelle-Zélande, ou si on a des compétences en voile ou en plongée sous-marine, pour servir d'équipier ou de moniteur. Les petits budgets optent pour des destinations et des activités adaptées à leurs besoins, les gros budgets peuvent aller plus loin et s'offrir des sorties plus onéreuses, mais dans l'ensemble, ce qui détermine le niveau de satisfaction, c'est surtout l'envie, la motivation, la capacité d'émerveillement. Après, de toute manière le hedonic treadmill (adaptation hédonique) se charge d'ajuster les perceptions aux attentes dans la durée.

A ce sujet, il est important de noter que la réussite d'un voyage résulte presque toujours avant tout du succès de son équipage. Cet équipage peut être de taille très variable: il peut par exemple se réduire à une seule personne dans le cas du voyage en solitaire; eh bien, même dans ce cas, la règle s'applique : le voyage sera réussi si le voyageur individuel est en harmonie avec lui-même, s'il ne se trompe pas sur ses propres attentes ni ne se fait trop d'illusions sur le reste du monde. Dans le cas pourtant opposé des familles nombreuses, l'expérience sera également réussie principalement si les parents de leur côté, et les enfants du leur, y trouvent leur compte, et si les relations entre tous les protagonistes sont bonnes: entre frères et soeurs, entre parents et enfants, mais aussi entre les parents eux-mêmes, dans le contexte parfois fatigant de l'enseignement à distance (empiriquement, nous avons observé que cette alchimie s'obtient plus facilement avec des enfants d'un âge compris entre 7 et 11 ans, la fenêtre est étroite). Enfin, dans le cas qui nous a concernés le plus directement, celui du déplacement en couple, il est évident que le voyage au long cours agit comme un test de vie commune, parfois beaucoup plus direct et aux conséquences plus immédiatement visibles qu'une expérience de même durée menée dans le cadre sédentaire d'une vie "normale" aux occasions de sociabilité plus constantes et équilibrées. Qu'on y songe: pendant 365 jours, la distance moyenne pondérée entre Isabelle et moi a dû être d'environ deux mètres, peut-être deux mètres cinquante. Il n'est arrivé qu'en deux occasions que nous soyons éloignés l'un de l'autre de plus de 1000 mètres (une fois à Tentena parce qu'il n'y avait qu'un seul scooter pour nous emmener, en deux fois, de l'arrêt du car à l'hôtel; et une fois à Maupiti, quand je suis parti seul pour une partie de pêche express avec Terei), et jamais plus d'une demi-heure. Sinon nous avons dormi côte à côte, et parfois l'un sur l'autre, dans toutes sortes d'endroits (avions, gares routières, paillottes, guesthouses, ponts de bateaux, etc), nous avons plongé, snorkelé, (rarement) pédalé, chevauché un scooter (le même) ou un cheval (chacun le sien), passé des heures assis sur des sièges adjacents en bus ou dans notre van, presque toujours assez proches l'un de l'autre pour pouvoir nous toucher simplement en levant le bras, presque toujours à portée de voix: autant dire que dans ces conditions, il vaut mieux bien se supporter... Ainsi, qu'on se le dise, le voyage lointain est parfois l'occasion paradoxale d'un test de promiscuité, presque comparable à une aventure commune dans une capsule spatiale (que les lecteurs les plus motivés cherchent sur le web l'excellent texte signé Desproges, et commençant par ces mots: "il faut être demeuré ou cosmonaute...") Et un tel test ne sera probablement passé avec succès que si la motivation de tous les protagonistes d'une part, et la qualité de leur interaction d'autre part, le permettent. Comme le dit un proverbe chinois qui me plaisait beaucoup à l'adolescence: "le cheval le plus rapide du monde, que trouve-t-il au bout de sa course? Lui-même."



Evaluation du matériel

Dans l'ensemble, notre matériel nous a donné satisfaction. Les Crocs ont tenu leurs promesses, nous aurions même pu nous passer de la paire de secours. Nos sacs Osprey étaient parfaits mais nous avons manqué de sursacs de pluie de bonne qualité (c'est-à-dire surtout bien serrables/ajustables); le sac d'appoint SeatoSummit était de bonne taille mais trop fragile. Nos sacs de jours, par contre, étaient insuffisants en volume comme en solidité, les deux ont rendu l'âme en cours de route. Les habits techniques ont bien servi, je regrette tout de même la fragilité des tissus Icebreaker. Les doudounes ont été indispensables, les vestes de pluie aussi mais les nôtres étaient trop petites, il aurait fallu les surdimensionner de manière à pouvoir placer un sac de jour dessous. Les chaussettes en laine étaient indispensables et bien choisies. Les sacs de couchage ont rempli leur fonction. Les sacs à viande et la moustiquaire ont été parmi les seuls bagages qui n'ont jamais servi. Les serviettes microfibres n'ont pas été excellentes mais nous ne saurions pas trop quoi conseiller de mieux. Les chèches ont, par contre, à peu près rempli leur fonction d'accessoire polyvalent. Nous avons été trop désordonnés concernant les médicaments, trop vite mélangés/confondus. Nous avions un peu trop de petits sacs plastique inutiles. Il aurait mieux fallu quelques trousses transparentes de plus, mais de meilleure qualité. Il n'est pas non plus utile de partir avec trop d'anti-moustiques ou de lait solaire, on en trouve suffisamment en beaucoup d'endroits, jamais plus chers qu'en France.

Sachant que j'ai en général pu plonger en legging et T-shirt, je ne prendrais pas de combinaison néoprène si c'était à refaire. Les masques et tubas étaient bons, il faut juste penser à emporter partout où on plonge un peu de shampooing bébé pour lutter contre la buée (une toute petite fiole suffit, et on peut bien sûr recharger en cours de route). Pour les masques, le seul problème est venu du système de serrage d'Isabelle: il faut impérativement un bandage élastique et non un bandage rigide; mais au final, mon masque Décathlon premier prix a été tout aussi confortable et lumineux que celui d'Isabelle qui coûte trois ou quatre fois plus cher. Les palmes légères premier prix étaient exactement celles qu'il nous fallait. Il existe un réel problème de flottaison que nous n'avons pas su résoudre, la seule solution serait de louer des ceintures de plomb localement (par exemple aux Raja Ampat) quand cela est possible.

En matière de photo, le FZ1000 a donné satisfaction, mais j'ai perdu le pare-soleil qui s'ajustait mal et je n'ai jamais trouvé de filtre polarisant satisfaisant; par ailleurs, la cellule a fini par se dérégler et j'ai dû prendre l'habitude, en cours de route, de sous-exposer de plus en plus, en particulier dans les hautes lumières. Pour les prises de vue sous-marines, je crois qu'un TG5 sans caisson aurait offert un meilleur compromis maniabilité/qualité que notre RX100, surtout pour les prises de vue macro qui sont devenues très importantes à partir du moment où nous nous sommes spécialisés dans les crustacés et les nudibranches. Le vrai critère d'amélioration serait celui d'un flash asservi ou d'une torche étanche adaptée. Une GoPro reste un choix qui se défend, mais uniquement pour la vidéo et non la photo, et pas forcément adapté pour des sujets de taille moyenne.

Le Macbook n'était sans doute pas un bon choix, car nous n'avons pas eu le temps de faire de montage vidéo en cours de route, raison principale pour laquelle il avait été préféré à une solution Android ou Windows (par contre le sticker de couverture était bien, mais enfin, cela ne compense tout de même pas le problème technique!) De plus, il rendait Isabelle plus dépendante que moi à l'électricité du secteur. Les batteries externes sont d'ailleurs très utiles (quand la nôtre a brûlé/fondu, nous en avons aussitôt acheté une de rechange), ainsi que mon système de charge multi-USB avec prise multiple (très bon choix). Il aurait fallu être plus rigoureux concernant les cordons micro-USB, qui n'étaient pas tous interchangeables, certains ne permettant pas la charge, par exemple. Le plus gros problème concernant l'électronique (et Dieu sait qu'il m'a coûté du temps) a tenu au choix de la tablette Xperia Z3. Son autonomie a été très satisfaisante, son écran est excellent et le système Android a permis d'utiliser l'indispensable application Snapseed pour le traitement des photos. Mais la gestion des fichiers et surtout la lecture des cartes mémoires a été absolument catastrophique, à la source de quelques pertes de photos mais surtout de dizaines d'heures gâchées dans les transferts de fichiers: plus jamais ça! Il faut absolument trouver une autre solution. Si ce choix était à refaire, je me doterais d'une solution permettant de copier, traiter et sauvegarder mes photos beaucoup plus logiquement et facilement, et je veillerais à ce que les cartes SD soient formatées de sorte à être parfaitement lues/copiées/effacées indépendamment de chaque appareil utilisé. Les lecteurs multicartes OTG, adaptateurs clés USB seraient choisis et formatés avec le plus grand soin. Cela a clairement été le plus gros point faible de nos choix d'équipement, au point de peser sur notre moral à plusieurs reprises.

Si nous devions repartir, nous repartirions à peine plus légers, avec nos deux sacs Osprey et deux sacs de jour de 25 litres très bien choisis à la place du sac de plongée. Nous prendrions un peu moins de produits de toilette en préférant les acheter sur place, et nous organiserions mieux nos médicaments. Nous remplacerions la solution Macbook+Xperia par deux tablettes compatibles entre elles, chacune munie de plusieurs ports USB/SD et de claviers pliants. Nous prendrions les photos en RAW avant de les traiter et de les archiver sur des cartes SD de bonne qualité, testées avant le départ. Nous investirions davantage dans des cartes de téléphone locales avec données de manière à pouvoir sauvegarder nos photos en ligne dans de meilleures conditions de confort, et nous travaillerions mieux nos principes d'organisation avant le départ.