Le tour du monde que nous ne ferons pas...

[Note: à titre exceptionnel, les photographies utilisées dans cette page ne sont pas de nous; il s'agit de simples images d'illustrations téléchargées sur internet]

Le choix de la liste des pays à visiter lors d'un tour du monde constitue un exercice dont on ne peut dire a priori s'il est facile ou difficile, tant il dépend du temps, de l'énergie, et de l'attention qu'on voudra bien lui consacrer. Certains n'y passeront que quelques heures, sûrs de pouvoir se réorganiser en cours de route, ou tentés de rompre en ce domaine particulier avec l'exigence de contrôle et de planification qui caractérise bien des aspects de la vie moderne. D'autres y voueront des soirées et des week-ends, de longs moments de vérification sur les forums de voyageurs, et d'intenses efforts d'arbitrages entre les promesses des cocotiers de Tahiti et les glaciers de Patagonie. En la matière, il n'y a à l'évidence pas de modèle unique, mais on peut tout de même se laisser aller à penser que la façon dont on planifie son tour du monde a quelque chose à voir avec la façon dont celui-ci sera vécu.

Dans notre cas, l'exercice a été réalisé de manière méticuleuse, en tenant compte de très nombreux aspects, et en particulier du facteur climatique. Quoi qu'il en soit, au fur et à mesure que les contours, puis les détails de l'itinéraire se précisaient, il est apparu clairement que le choix électif de certaines destinations (oui, nous irons impérativement à Ningaloo et aux Tuamotu) était largement dépassé, en nombre, par l'élimination obligatoire de toutes les options concurrentes (non, nous n'irons pas au Lac Inle ni naviguer sur le Mékong). Rarement la proposition "choisir, c'est renoncer" (Gide) ne se sera imposée de manière aussi évidente, et ceci d'autant plus que, si j'ai choisi d'ignorer en bonne partie les nombreux encouragements à laisser une grande place à l'improvisation (cette place existera, mais à petite échelle), j'ai en revanche entendu les conseils invitant les voyageurs au long cours à adopter un rythme lent, et à parcourir plutôt peu de pays en consacrant à chacun beaucoup de temps.

C'est pourquoi pour un tour du monde planifié, il existe des centaines de tours du monde qui n'auront pas lieu.

Peut-être aurons-nous la chance, qui sait, de pouvoir repartir autour du globe dans quelques années. Mais cela importe peu. Quel que soit le nombre de circumnavigations et les moyens à y consacrer, il existera toujours plus d'endroits que nous n'aurons pas vus, pas connus, pas même imaginés, que l'inverse. Certains voyageurs se sont fait connaître pour avoir foulé tous les pays du monde ou presque: cela ne change rien. Il est d'abord évident que plus ils ont dû traverser de frontières, moins longtemps ils se sont imprégnés de chaque endroit en particulier; et de surcroît l'idée même est vaine, car il ne faut pas raisonner seulement géographiquement, mais intégrer le temps à l'équation. Le Canada n'est pas le même en été qu'en hiver, le jour de l'an 2000 ne peut être vécu à la fois à Shanghai et Mexico, etc. Au final, comme en bien des domaines, la limite est en chacun d'entre nous, et les moyens pécuniaires ne peuvent guère nous acheter ce qui nous manque souvent le plus, c'est-à-dire du temps non contraint.

La grande conscience de cet état de fait m'a amené à décrire ici l'exemple d'un tour du monde magnifique que nous ne ferons pas. Bien sûr, il en existe des milliers, et le choix particulier d'un parmi ces milliers est lui-même partiel, et partial. C'est plus à titre d'illustration, donc, que je l'ai retenu; j'espère qu'il aura au moins le mérite de montrer à quel point l'ensemble de tout ce que nous ne ferons pas est infiniment plus vaste et plus contrasté que tout ce que nous pourrons faire.




Plus généralement, voici un inventaire structuré de toutes les catégories (comprenant souvent des sites remarquables) qui nous échapperont:

1 - L'Europe

Afin de nous concentrer sur toutes les zones proches des antipodes, plus difficiles d'accès sur de courts voyages, nous ne traverserons aucun pays d'Europe. Exit donc le Piémont italien, les calanques de Majorque ou la lagune de Venise.


2 - L'Afrique

L'Afrique est un continent magnifique, qui abrite en particulier certaines des forêts primaires les plus denses, et l'écosystème de grands mammifères le plus spectaculaire de la planète. Cependant, il est un peu à l'écart de notre route principale, et suppose un équipement et une approche différents: nous pensons plutôt y revenir quelques années plus tard.


3 - L'Amérique du Nord

Lors d'un tour du monde d'ouest en est, la plupart des voyageurs reviennent ou bien par l'Amérique du Sud, ou bien par l'Amérique du Nord. Enchaîner les deux revient à introduire un segment Nord-Sud perpendiculaire à la route principale, ce qui n'est possible que pour ceux qui ont beaucoup de temps devant eux (tours du monde sur deux ans ou plus) ou qui sont passés plus rapidement par l'Asie et l'Océanie, ce qui n'est pas notre cas. Nous ne verrons donc pas cette fois les grands espaces canadiens ou le Canyon du Colorado.


4 - Les pays arabo-musulmans

Des paysages de l'Atlas jusqu'à la mer Noire en passant par les pyramides de Gizeh et les rives de la mer Rouge, ces pays bordent le plus grand désert du monde et récèlent des trésors archéologiques. Les tensions islamistes les rendent cependant de moins en moins sûrs, et de plus en plus inadaptés a une approche touristique sereine. L'artifice clinquant des Emirats ne nous attire pas plus que les zones de contrebande du Sahara ou de guerre du proche-Orient. Pour rester sur le registre religieux, nous ne traverserons pas non plus de pays de religion orthodoxe (Russie, Grèce, Balkans).


5 - L'Extrême-Orient continental

Bien que prévoyant de passer par l'Asie, notre tour du monde ne fera que peu escale dans certains des pays habituellement les plus prisés des backpackers: sont en particulier exclus de notre itinéraire pas moins que la Thaïlande, le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Malaisie et la Birmanie, mais aussi la Mongolie, la Chine, le Japon et la Corée. Nos seules escales en Asie du Sud-est se feront sur les archipels périphériques des Philippines et d'Indonésie.


6 - L'espace Atlantique

Les immenses territoires bordés par l'Océan Atlantique, de l'embouchure du Saint-Laurent à celle de l'Amazone, des rivages de Namibie à ceux de l'Islande, ne verront pas passer nos sacs à dos, pas plus que les îles des Antilles ou du Cap Vert. Sur nos 365 jours de voyage, nous ne survolerons ses flots que... le jour du retour, lors de notre dernier transfert intercontinental de l'Amérique Latine vers la France.


7 - Les zones polaires

D'autres paysages spectaculaires de la planète nous échapperont, bien qu'ils couvrent une part importante de la surface terrestre. Les glaces des deux pôles, Nord et Sud, nous échapperont, tout comme les igloos, les ours blancs, la banquise et les manchots empereur.


8 - Le nord du 50ème parallèle

Notre tour du monde nous entraînera d'ouest en est, et principalement vers le sud, puisque son centre de gravité est situé en Océanie. Son étude détaillée montre d'ailleurs que son point le plus septentrional correspondra... à son point de départ et d'arrivée, c'est-à-dire l'aéroport international de Paris d'où bouclera notre tour. Autrement dit, nous ne passerons jamais une ligne se situant légèrement au nord de cet aéroport (dépendant du plan de vol de départ). Pas plus d'aurores boréales au programme que de Sibérie, de Spitzberg, d'Islande, de Gaspésie, de lochs écossais ou de fjords de Norvège... Le point le plus méridional devrait pour sa part se situer aux alentours du 53ème parallèle, délimité par la ville Chilienne de Punta Arenas.


9 - Les merveilles du monde

Des sept merveilles du monde antique, il n'en demeure aujourd'hui plus qu'une (les pyramides de Gizeh), que nous ne visiterons pas pour autant (il est vrai que nous l'avons déjà vue). Mais nous ne contemplerons non plus aucune des sept merveilles du monde moderne, pour la bonne raison que nous n'irons dans aucun pays où elles se trouvent. Et sur les 28 postulantes au titre de huitième merveille, une seule (les rizières de Banaue) est inscrite à notre progamme. On ajoutera qu'on ne se rendra pas plus sur le moindre site listé comme l'une des sept merveilles du monde naturel. C'est à se demander si nous ne le faisons pas exprès!


10 - Les grandes villes

Par la force des choses et du fait des contraintes aériennes, il nous arrivera de nous poser dans certaines villes capitales; mais sauf exceptions, nous ne ferons qu'y passer en transit, parfois sans même quitter l'aéroport: ce sera le cas à Santiago, Delhi et Manille, peut-être à Jakarta, Auckland ou Buenos Aires. La seule exception sera pour La Paz, en Bolivie, où nous résiderons plus d'une nuit. Plus généralement, nous ne verrons rien des plus grandes ou belles cités du monde: ni Londres, ni Rome, ni New York, ni Tokyo, ni Le Caire, ni Rio, ni Mexico, ni Los Angeles, etc.


11 - Les temples, monuments, sites célèbres "à voir, à faire"

Davantage axé sur la nature que sur la culture, et construit en partie sur un principe d'évitement des foules, notre tour du monde, même quand il s'en approchera, esquivera certains des sites pourtant réputés "incontournables" des catalogues de voyage: pas de tour Eiffel, de place Saint-Pierre ou de Golden Gate bien sûr, puisque nous ne passerons même pas dans les pays concernés. Mais pas non plus de Taj Mahal alors que nous séjournerons en Inde ou d'opéra de Sydney quand nous serons "down under", pas d'Angkor Vat alors que le détour pourrait être fait... Mais pas non plus de grande barrière de corail en Australie, de galop dans la pampa en Argentine ou de trekking sur le tour des Annapurnas au Népal.


12 - Les pays que nous connaissons déjà

Il existe des pays que nous connaissons déjà pour y avoir déjà voyagé avec bonheur. Certains de ces pays comme le Maroc, le Kenya ou Madagascar ne sont pas vraiment sur la route mais d'autres, comme les Maldives ou la Thaïlande, s'en rapprochent. Nous les avons toutefois éliminés pour faire davantage de place aux pays que nous découvrirons avec un regard neuf.


13 - La France

Nous avons la chance d'habiter dans un très beau pays que nous ne connaissons pas suffisamment. Bien qu'il figure à la première et à la dernière place de la liste des pays de notre tour du monde, nous ne nous y arrêterons pas: mais cette fois, il ne tiendra qu'à nous de corriger cette erreur à tout moment en prenant simplement notre belle Dauphine pour parcourir les routes de Bretagne, de Normandie ou d'ailleurs.